Luisa Boudev | Artiste
Muse T3 - La Légende de Fyrie
Fragilisés par une récente tragédie, Altaïr et ses amis sont déterminés à protéger durablement la communauté. Lorsque le Derweid Miloch ne sera plus en mesure d’utiliser ses pouvoirs, le temps des délocalisations sera révolu.
En quête de la cité mythique de Fyrie et du mirage surnaturel qui la dissimule aux yeux du monde, Muse doit affronter des illusions meurtrières dans les dunes de Sandre. De puissants alliés, de monstrueux prédateurs et de fourbes adversaires l’attendent dans le désert du Souffle du Diable.
EXTRAIT
Ils suivent le garçon en bleu et ses rivaux dans un dédale de rues minuscules et pleines d’obstacles. Des passants bousculés renversent sacs et paniers. Un tonneau roule, des chats s’enfuient en tous sens. Auryel manque de tomber en glissant sur une pêche au milieu d’une marche. Ils s’égarent rapidement dans Anwarkhath, sans perdre de vue les deux hommes et leur cible, laquelle se retrouve acculée au fond d’une impasse sans possibilité de franchir les hauts murs qui l’entourent. Une meilleure connaissance du plan urbain lui aurait sans doute permis de s’en sortir. Ses ennemis, sabres en main, n’ont pas l’air de vouloir répandre le sang mais se montrent assez menaçants.
— Tu vas nous suivre sans faire d’histoire, maintenant ! grogne l’un d’eux.
Un raclement de gorge les fait se retourner et découvrir dans leur dos un nomade bronzé, un étranger pâle et un travesti qui ont bien l’intention de se mêler de leurs petites broutilles.
— C’est pas très équilibré, ce que vous proposez à ce gosse, là, prononce Auryel. Des adversaires à votre taille, ça serait pas plus excitant, par hasard ?
— Dégagez, les bouseux, ça ne vous concerne pas !
Les Musards échangent un regard légèrement déconcerté.
— C’est nous qu’il traite de bouseux ? réagit Altaïr après quelques secondes de silence.
— Je crois qu’il parlait surtout de toi, le taquine Auryel. Tu devrais revoir ton style vestimentaire.
Baissant les yeux vers ses fringues qui, selon lui, correspondent pourtant parfaitement à la tenue de voyage d’un Sandréen, le chef de Muse ne comprend pas cette remarque. Des types habillés comme lui, avec un sarouel, un chèche et une tunique serrée à la taille par une large ceinture de lin, il y en a des dizaines dans ce quartier. En tant que cité cosmopolite, Eguilar est un véritable patchwork de modes vestimentaires, mais celle-là est tout de même la plus répandue.
— Qu’est-ce qu’il a, mon style ?
— Je dirais qu’il manque de classe et de propreté, commente Sciddith en se tortillant pour remettre en place les jupons remontés pendant sa course. Un pantalon et une chemise bien coupés, des bottes neuves, ça te donnerait une petite touche d’élégance qui ne serait pas un luxe. À part toi, quelle figure d’autorité se promène en vieilles sandales et sarouel rapiécé ? Et ne parlons pas de ton hygiène douteuse. T’as toujours de la crasse sous les ongles ou une tache de sang quelque part.
— Tu devrais aussi faire quelque chose pour ta crinière, renchérit Auryel. C’est tout sec, ça part dans tous les sens, y’a pas une bouclette de la même longueur qu’une autre. Comment veux-tu avoir l’air sérieux avec une coupe pareille ? Tu devrais demander à Esmé de te rafraîchir les pointes.
L’un des deux vilains qu’ils coursaient tout à l’heure s’incruste naturellement dans la conversation :
— Un soin aux huiles, ça peut faire des miracles. Ma femme en fait un par semaine et ses cheveux sont soyeux comme la soie.
— Ah oui ? s’intéresse Altaïr. Quels genres d’huiles peut-on utiliser ?
— Argan, coco, chanvre, jojoba, tu n’as que l’embarras du choix.
— J’en prends bonne note, merci beaucoup. C’est vrai que je devrais faire plus attention à moi, et puis, ça me détendrait un peu.
— Ça fait des années qu’on te le dit, ma poule, enchaîne Auryel. Prendre soin de l’extérieur, ça fait du bien à l’intérieur ! L’huile d’argan, c’est ce que je préfère.
— C’est pas un peu trop gras ?
— On ne se serait pas éloignés du sujet, là ? intervient l’autre agresseur qui commençait à se dire que cette rencontre ressemblait davantage à une soirée pyjama entre filles qu’à une baston bien virile.
— C’est vrai, ça, réalise son collègue. Barrez-vous, bande de bouffons, sinon c’est nous qui allons vous rafraîchir les pointes.
— C’est nous qu’il traite de bouffons ? recommence Sciddith.
— Je crois que là, il parlait de toi, rebondit Altaïr. Mais ce n’est pas parce que tu es fardé comme une putain qu’on va les laisser t’insulter gratuitement. Cette offense vaut au moins deux doigts.
Avant qu’il ait eu le temps de comprendre le sens de sa dernière phrase, le conseiller en soins capillaires voit la lame du chef de Muse lui enlever l’auriculaire et l’annulaire de la main gauche en un mouvement très précis qui n’a même pas égratigné le majeur. Le mutilé hurle à la mort, lâchant son arme sur les pavés pour agripper sa main sanguinolente.
— Joli, apprécie le Capitaine. Tu vois que tu peux faire preuve d’élégance quand tu t’en donnes la peine.