Luisa Boudev | Artiste
ONIRIS
La terre de Vhaenkil tremble lorsque la malédiction de la Mort Blanche se répand à sa surface, provoquant l’agonie des Hommes.
Mais Shade Falken, voyageur onirique porteur d’un obscur fardeau, est décidé à se dresser contre la mort et à contrarier les plans des Seigneurs d’Oniris. En quête de réponses, il se lance dans une incroyable aventure spirituelle sans se douter que la vérité dissimulée au cœur de ses songes bouleversera toute son existence.
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EXTRAIT
Lorsqu'il se tourne vers Zéphyr, espérant remonter en selle et fuir avec les autres, Shade constate son absence. Dans le chaos des bousculades, le cheval l’a oublié sur place. Il ne lui reste donc plus qu'à sautiller le plus vite possible. Au diable le ridicule ! Contrairement à la mort, il ne tue pas. Le Désigné se relève, claudiquant, grimaçant et blasphémant sur plusieurs mètres alors qu'on le charge de coups d’épaule pour le dépasser. Rapidement, il se retrouve à fermer la marche de la débandade. Sa chance, d'ordinaire si infaillible qu'elle en est insolente, l'aurait-elle aujourd'hui abandonné ?
Saisi de vertige, il glisse sur un pavé et s'étale de tout son long sur le dos. Ce n'est clairement pas sa journée. Reprenant son souffle et ses esprits, il se redresse sur les coudes et voit l'abominable brouillard investir les lieux. Autant se résigner : la Mort se déplace plus vite que lui. Il est probable qu'elle enveloppe aussi les nombreux fuyards de son suaire glacé. Aujourd’hui, l’intrépide Shade Falken va casser sa pipe. Il aurait préféré une conclusion un peu moins stupide à son existence jalonnée d’aventures épiques.
Sentant quelque chose de chaud couler sur sa peau, il essuie son front sanglant d’un revers de main. Sans doute une égratignure due à l’impact de sa tête contre le pavé, lorsqu’il est tombé de cheval. La peur de se faire écraser par la foule lui avait fait oublier la douleur du choc, qui vient à présent se répandre en une atroce migraine au-dessus de ses sourcils. L’environnement troublé de blanc perd en précision à ses yeux, mais il lui semble qu’un visage éthéré s'avance vers lui, un visage que nul artiste n’a su reproduire, celui de la femme en colère qui se déchaîne sur le monde. La perspective de l’ultime sommeil lui donne des hallucinations. Il déglutit avec difficulté, gêné par une boule d’angoisse au creux de la gorge. La mort, la douleur, ne l’effraient pas, mais cet épilogue lui laisse un goût amer de quête inachevée : celle de sa rédemption. Peut-être aussi celle du bonheur. Il n’a jamais trouvé ce qu’il a passé dix ans de sa vie à chercher. Et même si l’objet de ses désirs avait été juste à ses côtés, le Désigné n’aurait pas été fichu de le reconnaître. L’on peut être un esprit éclairé dans maints domaines, mais totalement aveugle pour certaines choses.
Il s'allonge dans la neige, enveloppé dans le linceul de Malore, et prie pour qu’au Royaume des Ombres, son âme soit enfin purifiée de tous ces éléments malsains qu’elle transporte. Lessiver sa conscience prendrait beaucoup trop de temps, et à l’heure de son trépas, le temps, il n’en a plus. Le brouillard glaçant s'insinue dans ses poumons à chaque inspiration. La mort n'a aucun goût, aucune odeur et elle engloutit son environnement en silence. Chaque maison, chaque pavé, s'efface peu à peu, comme si rien autour de lui n'avait jamais existé. Seul et perdu dans le néant, Shade se trouve étrangement apaisé, baignant dans une lumière diffuse. Sa tête roulant sur le côté, le sang qui perlait dans son sourcil goutte lentement sur le lin de sa capuche. Sans même s'en rendre compte, il s'enfonce dans une douce inconscience.
Pour l'avoir déjà vécue, il le sait, la mort n'est pas si terrible qu'on le pense.